Projet 2023

Invités en résidence de création par La Maison des Calligraphies du Monde, Roselyne SIBILLE, poète et Benoît FURET, calligraphe ont collaboré sur le thème des géographies imaginaires.

DES AILLEURS Roselyne SIBILLE a collecté des noms de lieux et imaginé des significations à ces toponymes anciens. Benoît FURET leur a trouvé une topographie raffinée pour vous proposer de rêver.

VERS DES TERRES INCONNUES Roselyne a écrit la relation d’une expédition vers des terres inconnues dans un temps incertain. Benoît en a fait un manuscrit en s’inspirant de codex moyenâgeux. La toponymie des ailleurs cartographiés se retrouve en glose.

MERVEILLE DES MONDES Roselyne, étant géographe de formation, a choisi des termes peu communs de géographie physique. Benoît a sélectionné un script et des couleurs aquarellées pour mettre en valeur l’atmosphère de ces mots.

https://benoitfuret.com/fr/

https://roselynesibille.fr/

VERS DES TERRES INCONNUES

Dire le voile qui brouille l’âme au moment de partir, ceux qui nous attendent, déjà prêts. Leurs regards. Dire l’inconnu qui nous appelle. On ira jusqu’où savent les hommes et plus loin, là où nul n’est jamais allé. Il est temps. Le convoi avance, lentement, vers ces terres immenses et blêmes, leurs contours, ces versants dont l’autre côté contient plus encore les ailleurs, les bêtes cachées. Le Bois de la Griffe … Des arbres. Au loin, le Bois de la Tour … Parfois un torrent, des débordements d’eau, des extrêmes. Les cailloux roulent. Impasse de l’ancien gué … On passe sous des ombres. De grands vols noirs battent le ciel. Rocher de l’Aigle … On entend la cascade du Four des chevaux …, la cascade du Rossignolet … Ils disent le repos : le Hameau de Madame …, la Fontaine salée …, Le Domaine des Terres blanches … On avance jusqu’au jour balbutiant, au Carrefour des Limites … Ils parlent de pierres dressées. Ils disent qu’ils ont peur aux Granges …, qu’il ne faut pas aller au roc du Sanglier … Ils disent une semaine, une année peut-être. Ils parlent de ceux que jamais ils ne revirent. Ils se taisent. Ils nous regardent avec des braises sous les sourcils. On a choisi. On ira. On est déjà au-delà. On aura un feu entre trois pierres au milieu des frôlements de la nuit. On est assis, le visage vers les étoiles. On se resserre autour du chaud. Nous irons au-delà du connu, vers des nulle part qui pourtant sont de terre, des lacs peut-être. Ils ne savent plus. On se demande. Très loin dans nos mémoires, quelque mère s’émeut, un enfant, une voix. On observe les brindilles noires dans le feu. Elles s’écroulent et nous restons muets. Nous irons où vont les nuages dans le vent. Nous serons la pluie qui frappe sans choisir. Nous serons ces arbres en marche. Nous serons minuscules et obstinés, vaillants, transis, perdus. Nous irons, par-delà les confins parce que les matins reviennent, que les hommes vont, que certains reviennent et racontent. Nous serons là-bas comme nous sommes ici où nous ne serons plus. Le monde sera plus grand et nous…

Roselyne SIBILLE

05-10-2023